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Le désengagement au travail, prophétie autoréalisatrice ?

désengagement au travail

Désengagement au travail ?

….Démission silencieuse, démotivation, chômage choisi, comportements utilitaristes… indiquent une vague de désengagement au travail des salariés. Ils décident de ne plus faire “que leur travail” en respectant à la lettre leur fiche de poste. Les DRH s’inquiètent de ce phénomène récent.

Comment retrouver l’engagement ?  

La réponse actuelle reprend les recettes traditionnelles de la gestion des ressources humaines qui repose en effet sur une croyance infondée : « Fondamentalement, les salariés ne sont pas motivés pour travailler». En réalité,  c’est l’incapacité à reconnaître leur engagement spontané qui produit leur désengagement. Cette situation correspond parfaitement à ce que le sociologue américain Robert K. Merton a formulé sous le terme de prophétie autoréalisatrice  : « Si les hommes considèrent des situations comme réelles, alors elles le deviennent dans leurs conséquences » (in The Antioch Review, 1948).

Se défaire du paradoxe gestionnaire

Les ergonomes et les psychologues distinguent ainsi le travail prescrit du travail réel : la fiche de poste n’est qu’une description théorique de tenir le poste. Les sociologues identifient un écart entre le formel et l’informel : l’organigramme ne représente qu’une simplification des relations d’influence et de réseaux. Les anthropologues démontrent que l’engagement ne consiste pas seulement à atteindre des objectifs, mais qu’il repose sur le plaisir d’appartenir à un collectif de travail.

Règles et process  étouffent la valeur

Le principe de la grève du zèle fait ainsi référence chez les douaniers. S’il existe une certaine fluidité lors du passage à la douane, cela ne tient pas au respect des consignes, dont la précision et la cohérence sont inapplicables mais à la capacité d’interprétation des douaniers. Ils ne fouillent pas toutes les voitures et les personnes qui se présentent.

Leur expérience leur permet ainsi de traiter simultanément les contraintes de qualité (repérer les contrevenants) et les contraintes de productivité (éviter les files d’attentes). L’exercice de leur compétence suppose donc d’interpréter les modes opératoires. Il nécessite aussi de disposer d’un pouvoir informel qui repose sur l’existence d’une identité collective du métier. Les pratiques professionnelles, très généralement, produisent ainsi plus de valeur que la seule application des process sensés les définir.

Les bonnes raisons de croire en quelque chose d’infondé

Le dogme des « vertus de l’organisation rationnelle » ne résulte pas de croyances positives. Il repose sur les « bonnes raisons de croire » que les salariés ne sont pas motivés au travail.  Ces bonnes raisons sont au nombre de deux.

  1. Il est serait délicat pour un dirigeant d’exposer à ses manageurs que tirer parti de l’expérience gratuites des salariés, a plus de valeur que les propositions d’un cabinet de conseil chèrement payé. 2. Expliquer que le management doit être souple, apte à se saisir des apprentissages élaborés sur le terrain, suivre les pratiques autant que les précéder, pose également problème car le dirigeant ne sait pas toujours lui-même faire cela. Proposer d’écouter plutôt que de « communiquer » contredit le sens commun des pratiques en entreprise.
  2. Les non-dits et les non vus sont très avantageux : si le terrain parvient à rendre des décisions inadaptées ou ineptes en solution réaliste, on considérera que les idées du comex étaient justes. Si le terrain n’y parvient pas, on évoquera l’incompétence ou le désengagement au travail des salariés.

Désengagement au travail et manque de reconnaissance

La crise du travail actuelle résulte de cette situation. A force de ne pas reconnaitre la capacité d’engagement spontané des salariés et d’étouffer feedback et créativité, on les conduits à se démotiver. La culture du désengagement au travail ne fait ainsi que suivre l’expérience du manque de reconnaissance depuis une quarantaine d’année. Elle ne correspond ni à un effet de génération, ni à une évolution sociétale.

Face à cette crise, le management construit alors progressivement le « machin » décrit Par Norbert Alter dans son dernier livre « Pour en finir avec le machin, les désarrois d’un consultant en management ». Le management continue à casser les liens sociaux qui ne font pas partis des process convenus, comme le temps perdu en gestes et palabres « inutiles ». Mais, conscient de la nécessité de redonner de l’âme aux organisations et pour retrouver la motivation perdue, il tente de recréer des liens sociaux au travers  de séminaires, d’évènements et d’intervention de consultants « sachants ». Oubliant qu’on ne peut décréter l’engagement ni la motivation, il remplace finalement des solutions (l’engagement spontané) par des problèmes (les politiques de rationalisation et de formation).

Faute de renier le vieux mythe selon lequel les salariés ne sont pas motivés pour le travail, le management produit ainsi une situation dans laquelle les salariés se désengagent. La prophétie se réalise.

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